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9 mars 2009 1 09 /03 /mars /2009 19:22

Une dernière nouvelle en attendant les prochaines illustrations...

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L’ombre du crépuscule
, un tintement, sonnerie lointaine entre neige et étoiles, puis, ce souffle tiède qui s’insinue tout autour de moi, de nous...

 

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Mois de novembre, matin du vingt-septième jour.

 

Encore plongée dans ce rêve étrange, j’ai bien du mal à émerger en dépit des multiples assauts sonores du radio-réveil. Etendant le bras, je le fais rapidement taire avec un soupir de soulagement. C’est incroyable ce que je peux détester ce concert tonitruant mais c’est aussi le meilleur moyen pour se réveiller tous les matins.

 

Une bonne heure plus tard et, cette fois, c’est la voix plaintive du vent dans les branches dénudées qui m’accueille. Je lève un instant les yeux vers la voûte céleste. Elle est si sombre, en cette fin de nuit de nouvelle lune, qu’elle en est presque oppressante. Presque grâce à la présence des quelques lampadaires éclairant de leur douce lueur diaphane la route et les champs environnants. Je traverse d’un pas rapide le jardin constellé d’étoiles de givre avant d’ouvrir le portail. Le refermant, j’effleure d’épaisses guirlandes de lierres rehaussées d’une profusion plumeuse de clématites en fruits. Un joli mélange à la fois rigide et vaporeux auquel se mêlent les baies écarlates du houx. Rouge vif, un peu de chaleur végétale au milieu du décor dépouillé de cette fin d’automne. Frissonnant dans la froideur matinale, j’avance avec prudence sur des dalles luisant d’humidité glacée.

 

Une fois arrivée sur un sol moins traître, je jette un œil aux alentours puis les lèvent vers un ciel à présent pâlissant où seuls quelques nuages s’attardent encore. Quant au vent, il s’est nettement adouci et m’entoure par instant d’un léger tourbillon de feuilles sanguines ou dorées. Le temps que je me débarrasse de celles qui se sont fichées dans mes boucles châtains et un bus passe près de moi. Et j’ai tout juste le temps de me reculer pour éviter un bien désagréable bain boueux.

 

La terre se réchauffe à mesure que j’approche de la ville. Et voilà, il ne me reste plus qu’à tourner au coin de la prochaine rue pour me retrouver dans un décor totalement différent. Les maisons se sont comme multipliées d’un seul coup. En fait, je ne vis pas très loin de la cité. Quelques centaines de mètres suffisent pour passer du calme champêtre à l’ambiance festive de larges avenues commerçantes. Quoique pour l’instant, elles me paraissent plutôt vides. Je ne croise guère plus que quelques badauds déambulant d’une devanture à l’autre. Un peu comme moi qui me promène au hasard des chemins, sans but précis, juste l’envie de me dégourdir un peu les jambes en flânant devant les nombreuses vitrines.

 

Le soleil est au plus haut lorsque je me laisse glisser dans l’ombre bienfaisante d’une ruelle. Il y fait remarquablement calme, jusqu’à ce qu’un cri vienne troubler la quiétude ambiante. Je me retourne, vite rassurée en en découvrant l’origine. Ce sont les cris de joie d’enfants qui s’émerveillent devant une large fenêtre richement décorée. Je m’approche, intriguée, pour les voir suivre les cabrioles d’un antique pantin. Il est vraiment très réussi. Puis, mes yeux se portent sur le reste de la vitrine, s’il n’y avait ces objets dernier cri, je jurerais m’être égarée dans le temps tant certains articles semblent tout droit sortis d’un musée. Désireuse de contempler d’autres, je finis par pousser la haute porte délicatement sculptée.

 

J’ai à peine posé le pied sur le seuil qu’un concert de grelots, saleté de sonnerie, m’accueille. Ce refrain désagréable enfin achevé, je découvre un ensemble de salles plutôt singulières. Tant par leurs contenus que par leur disposition en semi labyrinthe. En plus, elles sont presque toutes séparées par de larges parois amovibles ou bien, de temps à autre, d’épaisses tentures somptueusement brodées. Je flâne un bon moment en passant de l’une à l’autre jusqu’à que j’atterrisse dans une sorte de salle d’étude. Me prenant au jeu, je m’installe sur le siège de l’ancien bureau. J’examine la couverture parcheminée d’un vieux livre lorsque ma main se pose sur une sorte de vieil appareil. Etrange, je ne l’avais même pas remarqué et maintenant que je l’ai touché, je n’arrive plus à en détacher le regard. Pourquoi me semble-t-il si familier, ce vieux truc ? Ce n’est qu’un jamais qu’un téléphone d’un autre âge. Je saisis le combiné puis l’amène à mon oreille. Bien sur, rien n’en sort, pas une voix ni même un simple son. Je souris, me moquant un peu de moi-même, frôlant avec délicatesse l’antique cadrant, le faisant tourner. Des chiffres romains plutôt qu’arabes. C’est assez surprenant. Puis, j’inspecte le reste de l’appareil. Il me paraît tiède au toucher. Mais ce n’est jamais qu’un détail sans importance. Peut-être a-t-il simplement été manipulé quelques minutes auparavant ? Je l’examine une dernière fois. Un harmonieux mélange de bois et de métal. Poli et bien travaillé, un bel objet sorti  tout droit d’un vieux film même si j’en ai égaré le nom. Souris-je en clôturant mon inspection. Reste une dernière chose à vérifier. Je le soulève avec délicatesse et l’amène près de moi. Comme je le supposais, il n’est pas branché. Et comment pourrait-il l’être ? Tout juste reste-t-il quelques centimètres de ce qui fut autrefois le fil de communication. Mais à part ça, il est remarquablement bien conservé et ne porte aucune marque d’ouverture ou d’une quelconque manipulation, juste quelques traces d’usure et autres coups de poinçon. Parfait. Il fera très bien dans mon salon.

 

Achetant surtout au coup de cœur, j’emporte l’objet vers la caisse. La seule partie du magasin résolument moderne. Au point, qu’une fois arrivée en face de la longue table et de sa caisse informatisée, j’ai l’impression de revenir d’un sympathique voyage dans le temps. Et c’est un réveil rapide avec cette vendeuse un peu trop pressée qui me jette à peine trois mots sur cet appareil avant de l’emballer et de me pousser vers la sortie.

 

De retour dans la ruelle, j’ai tout juste le temps de me retourner qu’une bourrasque vient me bousculer tandis que la porte claque en un bruit sec et que s’illuminent les premiers réverbères. Un objet vient même s’écraser à mes pieds, éclatant en mille morceaux, mais je ne m’en aperçois même pas, trop occupée que je suis à observer la rue, un peu hébétée, tant j’ai du mal à réaliser qu’autant de temps ait pu s’écouler depuis mon entrée dans cet étrange bâtiment. Des larmes viennent même perler aux coins de mes paupières sous les coups redoublés du vent assisté de mes propres cheveux. J’écarte la mèche rebelle qui me blesse avant de m’essuyer le visage et d’enfin m’en aller. Arrivée au coin de la rue, je m’arrête, m’emplissant les yeux de ce lieu. Il est vrai que je ne connais pas encore très bien cette ville mais je sais pouvoir compter sur ma mémoire. Ruelle des souvenirs presque effacés. C’est très original comme nom. Et en plus, il y a deux plaques pour porter cet étonnant message. Je les compare un peu perplexe. L’une est moderne et l’autre sérieusement marquée par les ravages du temps. La même impression que dans le magasin, le passé et le présent ensemble, côte à côte. En tout cas, avec un nom pareil, je ne risque pas d’oublier cette intrigante ruelle.

 

Le soir est tombé lorsque je rentre chez moi. Le calme m’accueille. Je vis seule depuis peu, aussi personne ne m’attend hormis mes trois chiens qui m’accueillent de leurs voix graves. Toujours poussée par les ailes du vent, j’entre et dépose mon paquet sur la table de la cuisine, n’ayant pas encore décidé de sa future place. Des gémissements m’interrompent alors que je m’apprêtais à déballer le tout. Je me retourne pour voir mes compagnons à quatre pattes demander à  sortir et c’est un peu agacée que je me dirige vers la porte.

 

Passant par le salon et devant le téléviseur, je l’allume plus par habitude que par désir. Puis, j’attends en face de l’entrée le retour de mes bruyants canidés, le son atténué du poste me parvenant par brides. Soudain de lourdes pattes griffues viennent frapper le bois de la porte et j’ai à peine le temps de refermer qu’une étrange sonnerie me fait sursauter. Comment dire, elle semble éraillée et en plus monte crescendo. Je reste un moment sans bouger, essayant d’en localiser l’origine. Intérieur ? Extérieur ? Plutôt extérieur ! De toute évidence, cela ne vient pas de la télévision. Une alarme ? Sans doute la voiture de l’un des voisins. A peine cette pensée m’a t-elle effleurée que je dois la rayer. Je suis juste en face de la fenêtre et malgré la pénombre, je vois bien que la rue est déserte. En plus, aucun des chiens ne bronche. C’est même le contraire vu qu’ils sont couchés et roupillent déjà bien au chaud, la tête tournée vers la cuisine. Etrange qu’ils ne réagissent pas plus que ça.

 

Enfin, pas le temps de m’appesantir là-dessus car cela devient franchement insupportable. A croire que c’est maintenant une véritable sirène d’alarme qui menace de faire trembler toute la maison. Me repérant au son, je me retrouve dans la cuisine et m’arrête devant le paquet. Il semble même vibrer sous sa prison de fibres. Je secoue la tête en le saisissant. Ne sois pas stupide, ça ne doit être qu’un simple effet de ton imagination un peu trop fertile. Et puis, à forcer de fixer cette chose, il est normal que tu finisses par la voir presque bouger.

 

La sonnerie qui s’était arrêtée quelques courtes minutes reprend de plus belle. J’avais aussi remarqué cet étrange phénomène. Le son prend en intensité alors que le temps de pauses entre deux sonneries est de plus en plus long. Bon, l’instant n’est plus à la réflexion mais à l’action pense-je en déchirant l’emballage plus que je ne l’ouvre. D’un geste un peu trop vif d’ailleurs car il m’échappe et tombe avec un bruit sourd. Au moins, cela aura réussi à stopper cette fichue sonnerie, râle-je en m’agenouillant pour le ramasser. Je considère un moment, le combiné décroché et je le porte à mon oreille. Il est un peu plus chaud que dans le magasin et je ris presque de ma propre bêtise car comme je devais m’y attendre aucune voix n’en sort. Je le contemple encore un peu avant de toucher le cadran. Tiens, il a dû se coincer lors de sa chute. Espérons que je ne l’ai pas trop endommagé.

 

Un examen rapide plus tard et je suis rassurée : seul le cadrant semble avoir un peu souffert puis sans trop savoir pourquoi je prends une nouvelle fois le combiné pour l’amener près de ma tempe. Je le lâche aussitôt avant de me calmer. Cette fois, j’ai entendu comme une sorte de souffle. Non, ce n’est pas possible ! Voulant en avoir le cœur net, je répète une dernière fois mon geste. Plus rien finis-je par murmurer à voix basse alors que mes doigts jouent nerveusement avec le fil déconnecté.

 

Ne sachant plus trop quoi faire, je finis par le soulever avec délicatesse avant de le transporter dans la pièce voisine. Le salon où la télé est toujours allumée. Je le pose bien en vue, juste devant de luxuriantes plantes vertes. De là, je peux le voir aussi bien de la cuisine que du salon ou de la véranda quoique jardin intérieur conviendrait mieux à cet endroit. Le reste de la soirée se passe dans un calme que plus aucun son ni même un tintement ne vient troubler.

 

De longues heures plus tard, je suis réveillée en sursaut. Encore ce même son agaçant que la veille. Mais cette fois, il s’interrompt presque aussitôt avant d’être remplacé par un cri lugubre. Une sorte de hurlement sourd, lancinant. Inquiète, je descends avec prudence. Un loup ? On dirait presque le cri d’un loup. Un peu comme dans les vieux films, les loups qui hurlent à la pleine lune. Sauf qu’ici, ils se sont royalement trompés puisque c’est toujours la nouvelle lune qui règne sans partage sur le ciel chargé que j’entraperçois entre les tentures à demi fermées. Attend ! Quelque chose cloche ! Les chiens ! Ils ronflent encore malgré cette vigoureuse sérénade. C’est trop étrange ! Normalement, ce sont toujours eux, les premiers alertés et là aucun des trois ne remuent ne serait-ce qu’un cil. Aurais-je donc simplement rêvé ? Arrivée en bas, je les éveille sans brusquerie superflue avant de m’asseoir à même le tapis face à l’appareil. A ma grande surprise, il est décroché…

 

Ne sachant que penser, je me contente d’abord de l’observer sous la faible lueur de l’une des veilleuses. Rien ! Rien n’a bougé en dehors de ce fichu objet. Et puis, toutes les portes sont encore verrouillées. De toute façon, si quelqu’un avait voulu s’approcher ou entrer, les chiens auraient aboyé. Je ramasse le combiné, combien de fois ai-je déjà fait ce geste depuis la veille ? Je ne sais plus vraiment. Etrange ! Lorsque je le prends, il me semble chaud. En tout cas plus qu’hier. Je l’approche de mon visage, le frôlant de mes cheveux. Mais qu’espères-tu en faisant cela ? En plus, il n’est même pas relié ! Je me masse un moment le front avant de me décider à raccrocher. C’est à ce moment qu’une voix grave se fait entendre. Mais qu’est-ce que c’est que cette litanie ? C’est incompréhensible! Et puis, je suis parfaitement éveillée maintenant ! Il me faut encore quelques instants pour comprendre alors que les chiens viennent se recoucher près de moi. En fait, c’est un peu comme si la voix allait au ralenti, exactement comme les disques, les vieux vinyles de mon enfance, que je m’amusais à faire tourner à différentes vitesses.

 

Puis, une étrange sensation de vide me tire de mes souvenirs. Plus de bruit, tout s’est calmé. Face à ce nouveau changement, j’hésite avant de faire quoi que ce soit. Le cadrant, je n’avais pas fait attention mais il tourne à nouveau, dans les deux sens, quoiqu’il le fasse avec une lenteur extrême. Alors que l’appareil s’échauffe encore sous mes paumes, les feuilles de l’arbrisseau tout proche bruissent avant de se panacher d’or et d’enfin se recroqueviller. Je tends alors une main vers l’une des branchettes qui se rompt à ce simple contact. Aussitôt les animaux lèvent la truffe.

 

Ils dormaient donc bien d’un œil. Alors tout cela ne serait que le fruit de mon imagination ? Pourtant, cela semblait si réel ! Non ! Du calme ! Ce n’était qu’un rêve et cette chose n’est qu’un vieux téléphone. Et s’il s’est retrouvé décroché, c’est sûrement à cause d’eux. Ils ont simplement dû jouer avec… A cette idée, je jette un œil suspicieux aux trois molosses endormis puis me saisis du poste avant de retourner dans ma chambre. Garde-le cette nuit près de toi puis à portée de main lorsque le jour reviendra. Comme ça, tu sauras !

 

Le reste de la nuit s’écoule, dénuée de lune, et pourtant mes rêves en sont remplis. Je me vois courir dans de vastes prairies. Des sons me parviennent en tous sens mais si déformés que je n’y comprends rien. Les multiples tintements sont là, eux aussi. Des carillons qui augmentent en nombre. J’accélère à m’en éclater le cœur. Je ne désire qu’une chose : leur échapper. Je le veux tellement mais plus je m’éloigne et plus je les entends. Exactement comme s’ils voulaient me rattraper. Je finis par m’effondrer et les chœurs m’encerclent avant de ralentir sans pour autant s’interrompre. Le sol tremble un peu et je vois la neige qui commence à tomber. C’est si effrayant. Pourtant, ce n’est jamais qu’une fine pluie blanche qui cesse très vite alors que le soleil revient. Le soleil ainsi que de nouvelles choses brillantes...

 

Le matin. La radio qui me réveille. Pour une fois, je suis contente de l’entendre. Je me lève et examine avec attention mon vieil appareil. Comme je m’y attendais, vu son emplacement près de la fenêtre, il est un peu froid mais toujours aussi beau. Et le cadran bouge sans difficulté. Tant mieux ! Voyons s’il se fera de nouveau entendre…

 

Mois de décembre, matin du vingt et unième jour.

 

Les jours se sont écoulés sans que plus rien d’extraordinaire ne se produise et nous voici en décembre, aux portes de l’hiver. En même temps, la fête de Noël approche à grands pas, enveloppant la ville et les campagnes de sa chaleureuse magie. Pour en revenir à mon vieux téléphone, il ne s’est plus fait remarquer. Plus de chant intempestif, enfin si c’était bien lui le coupable. Excepté… Excepté dans mes rêves. La sensation angoissante du début s’est estompée au fil du temps mais sans pour autant disparaître totalement. Par moment, j’ai  comme l’impression de sentir la nature frissonner à mon passage, sous mes propres pas. Et ce phénomène ne semble pas prêt de s’arrêter. Je dirais même qu’il s’amplifie alors que les jours s’amenuisent.

 

Je ne sais pas ce qui me pousse à agir ainsi mais je ne peux quitter cet appareil des yeux dès que je rentre chez moi. J’ai bien sur reçu plusieurs visites depuis ce fameux jour de novembre. Mais personne, ni parent ni ami, n’a remarqué quoi que ce soit d’étrange au sujet de cet ancien poste. A croire que cela m’est réservé. Parfois, je fais tourner le cadran. Mais rien ne se passe si ce n’est dans mes rêves. Une fois, j’ai même songé à m’en débarrasser mais quelque chose au fond de moi m’en a empêchée. Comme si cet appareil et moi étions liés…Je secoue la tête à cette pensée un peu trop folle et puis il est temps de s’activer un peu.

 

Une amie vient me rendre visite cet après-midi et je suis en retard. D’ailleurs j’ai à peine le temps de rentrer et de déposer mes derniers achats qu’elle sonne à la porte. Je l’accueille avant de retourner à la cuisine, le temps de m’occuper du café. Soudain, un téléphone se met à crier avec énergie. J’allais me précipiter au salon lorsque la voix de mon invitée me stoppe net. Ce n’était donc que ça soupire-je étrangement déçue. Je l’entends discuter un moment puis elle raccroche.

 

Je la rejoins quelques minutes plus tard et elle me tend une sorte de message. Encombrée par mon plateau, j’y jette un œil distrait avant de le poser sur le meuble toute proche. Puis, je l’invite à se rasseoir et nous commençons à parler de tout et n’importe quoi jusqu’à ce que nous abordions le sujet du moment, l’approche de Noël et des fêtes de fin d’année.

 

Le temps file vite et elle doit déjà repartir. Après l’avoir raccompagnée, je repasse près de mon jardin d’intérieur, c’est alors que quelque chose m’interpelle, quelque chose d’insolite. Le téléphone ! Il n’est plus du tout à la même place ! J’avais bien vu mon amie bouger et griffonner quelque chose sur son carnet mais je pensais qu’elle... J’ai à peine terminé cette pensée que je m’empare du fameux mot. C’est bien pour moi.

 

Ses caractères sont toujours aussi soignés. Elle a vraiment pris le temps de tout noter consciencieusement. Elle m’avait bien dit quelque chose au sujet du téléphone mais je n’avais pas tout compris et puis comme elle a toujours son fichu GSM à la main, j’ai surtout cru… Enfin, voyons ce message.

 

La ligne est trop mauvaise, je te rappellerais plus tard.

attend-moi.

Helena…

 

Attend un peu. J’ai un autre appareil dans la cuisine et il n’a pas sonné. Se pourrait-il ? Mue par une impression à la fois étrange et irrésistible, je m’empare de mon vieil appareil. Je le relâche aussi vite, surprise. Cette fois, il est vraiment très chaud. Je bouge le cadran, il tourne beaucoup plus vite. Plus d’effort à faire. Puis, je relis le mot.

 

Attendre ? Qui ? Helena ? Ce nom ne me dit rien. Bah ! De toute façon, je comptais rester à la maison, alors, ça ne changera pas grand-chose pour moi… Et c’est ainsi que tombe la nuit du solstice d’hiver.

 

Elle est déjà bien avancée lorsque mes paupières s’abaissent et que je glisse dans les bras de Morphée. Pas d’appel… mais comment aurait-il pu en être autrement ?

 

Une sensation de froid me transperce alors qu’un tintement discret m’agace les ouies. J’ouvre de grands yeux pers étonnés car si je suis bien près du téléphone qui sonne de plus belle, le reste me paraît trop fantasmagorique. Je me précipite vers l’appareil mais il est pris sous une fine couche de neige. De neige ? Non, c’est chaud ! Blanc et chaud… Je regarde autour de moi, les chiens grattent cette curieuse croûte. Je les appelle et remarque aussitôt leurs griffes couvertes de sang. Ça m’effraie soudain car je me rends compte que toutes mes perceptions ont changé. Elles se sont brusquement affinées. Je me lève et avance. Les fenêtres sont grandes ouvertes et cette chose qui tournoie dans la pièce.  Mon regard se pose alors sur le fil toujours coupé.

 

Je le teste entre mes doigts alors que la chaleur monte sous cette pluie blanche. Mais comment est-ce possible ? Même avec les fenêtres ouvertes c’est beaucoup trop intense ! Je lève les yeux vers le plafond. Je le fouille du regard et au lieu du lustre, c’est l’azur assombri qui m’apparaît dans tout son triomphe. Le ciel d’une nuit de solstice d’hiver. Un autre bruit ! Le vent ! Une tempête qui semble prête à se déchaîner. Les chiens hurlent, se rassemblent autour de moi, leurs fourrures étonnement épaissies, puis une sorte de vague balaie la pièce, m’aveuglant alors que le téléphone donne toujours de la voix.

 

Je le prends sous le bras et sors aussi vite que possible. J’avance, protégée par mes chiens avant de décrocher puis raccrocher quelques temps plus tard. J’ai bien cru entendre une voix s’échappe de l’écouteur mais il y avait tant de parasites que je n’ai rien saisi jusqu’à ce que la communication s’éteigne. Mais je sais que le téléphone se fera de nouveau entendre.

 

Mes amis à fourrure m’escortent toujours alors que j’approche comme un zombie de la ruelle des souvenirs presque effacés. Ne me demandez pas comment j’arrive à me repérer en pleine tempête de “neige”, je n’en sais rien. Je pose un pied devant l’autre c’est tout. Les murs changent à mon approche. Ça me précède alors que le téléphone se réchauffe contre moi. Mon regard tombe sur les plaques des rues, anciennes et nouvelles, qui se superposent étrangement.

 

J’y suis enfin. Pourquoi aller dans cette impasse ? Je ne le sais. Je m’arrête un instant, fixant les deux noms de la rue. L’un des chiens me pousse alors doucement vers le magasin d’antiquités. Puis, je sens comme des chocs contre ma jambe nue. Je baisse la tête et ouvre de grands yeux en découvrant la fine lanière qui me heurte au gré du vent.

 

Le fil… C’est le fil du téléphone. Il s’est drôlement allongé. Je m’assieds un instant devant la porte de la boutique, l’air hagard. Cette fois, je ne sais vraiment plus quoi penser. Et cette “neige” tiède qui ne cesse de tomber. Mes fauves gris sont toujours là. Ils m’entraînent vers la porte. Sans en avoir conscience, je tire sur le fil, le fil qui se débobine, et franchit pour la troisième fois le seuil. La porte me semble si légère. Une fois entrée, je m’installe directement à la caisse désertée et sans l’ombre d’une hésitation branche mon appareil sur la prise de téléphone de la bien désagréable gamine de mon souvenir. Presque aussitôt, la sonnerie retentit. Et pour la première fois depuis le début, les chiens aboient. Eux aussi. Ils l’entendent ! Enfin !

 

Sans réfléchir à quoi que ce soit, je décroche. Une voix douce et féminine me répond. Elle me semble familière mais si lointaine.

 

Je respire à fond, m’apaisant à au son de ce timbre si mélodieux. Les cendres blanches se font plus nombreuses autour de moi. Les neiges s’effondrent. On se croirait presque perdu en pleine avalanche. Paniquée, je veux me lever mais ma correspondante m’en dissuade en quelques mots bien surprenants. Je serais à l’origine de tout ceci ? Je me mets à rire et le sol tremble. Je me tais et tout s’arrête. Je baisse un instant la tête avant de crier de surprise. Les chiens ! Les trois chiens ! Leurs têtes ! Non, c’est trop ! Crie-je dans l’appareil.

 

- Chut… Du calme.

- Mais ?

- Il est redevenu normal, lui aussi.

 

Je regarde l’animal. Cette fois cela me semble encore plus fou.

 

- Ecoute ma voix… Rappelle-toi ce que tu es avant que tu ne détruises tout.

 

Comme je suis muette de surprise, la voix continue, devenant de plus en plus nette.

 

- Tu crois encore rêver. Nier ma réalité, notre réalité. Je sais que c’est dur de se réveiller ici après tant d’années mais quand même…

 

Je balaie tout le décor d’un regard effaré, la peur m’ayant définitivement abandonnée. D’autres gens approchent enfin. Mais qu’est-ce qu’il leur prend, ils se mettent à tout piller. Je voudrais leur parler mais ils sont bien trop occupés à s’emplir les poches pour me porter la moindre attention. Je tire sur le fil et me recroqueville dans un coin alors que mon gardien gronde. Il montre les crocs, découvrant ses dents pointues et si blanches.

 

- Dis-moi. Souhaites-tu rester un siècle de plus seule dans ce monde ?

- Je…

 

Elle est toujours là, au bout du fil, à me parler, m’empêcher de raccrocher. Ce fil qui nous lie, il se met à me tirer et enfin, je distingue une autre main. Et derrière elle, une silhouette de plus en plus précise. Mais cette femme... Nous sommes semblables mais aussi très différentes. Personne ne semble nous voir, ni elle ni moi alors qu’elle avance en parlant toujours, à la fois dans le téléphone et de vive voix. Sans trop savoir pourquoi, je commence à rembobiner le fil et lentement, nous avançons l’une vers l’autre. Puis enfin, nous sommes face à face.

 

- Cet appareil, tu te souviens lorsque nous en avons acheté chacun un. Nous devions tous rester en contact. Mais toi, tu as perdu le tien en même temps que ta mémoire lors d’un grave accident. Et pour ta propre sécurité, nous avons fait en sorte de verrouiller tes pouvoirs.

- Mes pouvoirs… ? J’ai toujours été attirée par certaines choses sans jamais savoir pourquoi... Mais alors cette identité…

- Oui ! Tu as pris cette vie, une autre vie que tu t’es toi-même construite. Jusqu’à ce que tu retrouves enfin ton téléphone personnel….

 

Je ferme les yeux et repense à ce que j’ai ressenti en voyant cet appareil pour la première fois.

 

- Il m’a rappelé une sorte de vieux film.

- Oui ! Un film de guerre que tu es la seule à avoir vu. Celle qui faisait rage lors de notre séparation. Une autre de ces guerres, encore plus horribles, plus démentes que toutes les précédentes. Et toi, tu as voulu sauver ceux qui nous avaient réveillés, ramenés vers eux, vers la surface. Mais tout cela est fini depuis plus d’un siècle maintenant et il est grand temps pour nous de retourner dans notre monde. Décroche-le une dernière fois.

 

Me dit-elle avant de me tendre mon appareil. J’obéis sans savoir pourquoi. Sa silhouette change, je vois maintenant mon étrange visiteuse telle qu’elle est vraiment, tout comme mes anciens gardiens, en fait ils sont un seul et unique chien tricéphale.

 

- Allo, ma fille…

 

Cette voix… Tonnante… Je la reconnaîtrais entre mille.

 

Je regarde une nouvelle fois le ciel. Rouge lumineux, les éclairs le traverse. Instinctivement, je veux raccrocher. Ne pas téléphoner pendant les orages. Ne pas garder l’appareil en main. Risque d’électrocution. Je tremble alors que ma compagne me retient le poignet, m’obligeant à garder le combiné.

 

- Non, nous ne devons pas rompre le contact. Pas encore, pas maintenant.

 

Le ton est à double sens. Un lien entre nous, pour nous seuls. Je comprends maintenant pourquoi. Cet appareil est notre fil d’Ariane, le seul moyen pour tous nous retrouver sans tout faire mourir autour de nous.

 

Je la regarde et tout me revient enfin alors que la voix de mon père me berce malgré sa dureté.

 

Nous avions surgi dans cette nouvelle réalité au cours du siècle qui vit la naissance de cet engin. Grisés par l’étendue de leur découverte, les chercheurs ne virent même pas la mort les faucher. Et oui ! Thanatos aussi était du voyage et elle accomplit son rôle à la perfection. Ce monde n’était pas le nôtre et nous ne souhaitions pas y demeurer. Mais les circonstances nous empêchèrent de repartir aussitôt. En attendant qu’une nouvelle occasion se représente, nous nous séparâmes avec pour seul contact, cet appareil retravaillé par Héphaïstos en personne.

 

Le fameux fil nous reliant tous où que nous soyons sous nos déguisements de mortels. Enveloppes humaines où battait le cœur d’un dieu ou d’une déesse antique.

 

- Il était temps, tu es déjà en train de tout faire mourir. Nous sommes restés pareils à ce que les humains ont connus dans leurs mythes. Notre seule présence suffit à les tuer.

 

La voix de ma sœur finit de me rendre ma mémoire, mon identité.

 

- C’est aussi eux qui ont commis l’erreur de nous rejoindre. Et les anciens mythes sont devenus réalité.

 

Tout en l’écoutant, je prends congé de mon père et raccroche pour la dernière fois. D’ici quelques instants nous nous retrouverons bientôt et ce vieux téléphone, ayant enfin accompli son rôle est désormais devenu inutile. Le chien se frotte contre moi et je caresse ses trois têtes.

 

Puis, déposant nos appareils respectifs sur le sol, nous quittons définitivement ces lieux.

 

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21 février 2009 6 21 /02 /février /2009 12:33

Bonjour,


comme pour l'instant je laisse reposer mes dernières nouvelles, je me consacre presque uniquement au dessin.

Et après une longue pause, je recommence à me pencher sur les illustrations du carnet de voyage du vampire Phébus avec au passage les dessins des chevaux elfiques.

En même temps, recommencer à dessiner des chevaux magiques m'a donné envie d'entamer une nouvelle série de dessins fantastiques. Cette fois, plus proche de la mythologie greco-romaine...



C'est un sujet que j'aime beaucoup et sur lequel je n'avais plus travaillé depuis des années.


Je les proposerai dans un nouvel album.


A bientôt


Liry


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13 janvier 2009 2 13 /01 /janvier /2009 18:09

Voici la carte que j'ai spécialement dessinée pour le dernier échange de cartes postales sur le forum "Crayons de Couleurs."

http://crayonsdecouleur.forumactif.com/portal.htm

Cette fois, le thème était la carte de Noël. Et voici le résultat...

 

 



A bientôt et meilleurs voeux à tous et à toutes pour l'année 2009

Liry
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24 décembre 2008 3 24 /12 /décembre /2008 12:46

Sable de feu

 

Et c’est à partir de ce Noël que je pus revoir tous mes vieux amis, aides et rennes. Ce nouveau Noël fut largement à la hauteur de son épouvantable prédécesseur.

 

Des mains me secouent, me forçant à revenir au présent. Les nuages s’alourdissent, nous plongeant dans la pénombre. Tout autour de moi, quelques-uns des elfes, devenus adultes depuis nos retrouvailles, parachèvent le chargement des menus sacs sur le traîneau. Comme promis, nous les avons suivi dans leur nouvelle cité, Silicia, qui se dresse en plein cœur du plus impitoyable des déserts. Là où le sable est comme de feu. Même si j’ai beaucoup de mal à m’accorder avec ce nouveau style de vie, je compte y demeurer encore de nombreuses années. Je me permets juste de temps à autre, exactement comme aujourd’hui, de courtes escapades sur des terres au climat plus tempéré. Enfin jusqu’à ce que les elfes me rappellent à grands coups de vagues magiques. Ce qu’ils viennent juste de faire d’ailleurs. Quant aux hommes, ils existent encore. Ils ont fondé des nombreuses villes, extrêmement éloignées de la nôtre.

 

Car si une chose est restée pareille malgré tous les changements qui ont bouleversés nos vies, c’est bien le fait que très peu d’hommes puissent accéder à la cité elfique. Les anciens rennes, prêts à être attelés, se rapprochent. Je regarde un moment Rayna.   

 

Celle que j’ai retrouvée n’a plus rien à voir avec le renne volant que j’avais quitté un lointain jour de solstice. Et elle n’est pas la seule à avoir aussi radicalement changé puisque c’est le troupeau tout entier qui s’est retransformé, juste avant de renvoyer la magie vers la cité de Silicia et le peuple des elfes de feu. Les hommes nous aidèrent bien au-delà de nos espérances, oubliant tout ce qu’il y avait de plus mauvais en eux durant cette incroyable nuit de renouveau. Les appels, leurs souhaits, furent tous si étranges que nous ne savions même plus quoi distribuer ni à qui. Ça allait dans tous les sens. En fait, ils ne firent que demander pour les autres et pour la planète encore convalescente. La pagaille qui s’ensuivit fut telle qu’elle réveilla l’ancien esprit de Noël avant qu’il ne sombre définitivement dans l’oubli. Encore fallait-il trouver un autre cocher. C’est ainsi qu’après une courte discussion, nous décidâmes d’assumer ce rôle l’un à la suite de l’autre. Et cette année, c’est au tour de Bjorn de tenir les rênes. Je lui fais un grand signe de la main avant de retourner dans la cité et rejoindre les autres aides.

 

A l’instar de notre ancienne demeure de glace, Silicia verra un jour son existence basculer dans la superstition. J’espère juste que, lorsque cela arrivera, les hommes auront tiré des leçons de leur passé.

 

La terre nous a offert une deuxième chance. L’esprit de Noël a survécu à la fin du glacier même si son cocher a complètement changé de visage. Ne se forçant plus à vieillir, le voyageur de décembre se pare encore de rouge comme jadis mais, dans le désert, il ne peut avoir exactement la même tenue. Sans oublier qu’il y a autant d’hommes que de femmes parmi les aides. Aussi ne vous étonnez pas si vous voyez un jour une voyageuse, vêtue de voiles rouges et blancs, voler entre les nuages la nuit du 24 au 25 décembre. Et si vous regardez bien, vous verrez aussi que ce sont plus de véritables rennes qui tirent son traîneau.  

 

Les rennes ne pouvaient vivre en plein désert de sable brûlant et ils remodelèrent leurs formes en conséquence. Leurs imposants bois s’allongèrent et s’effilèrent, laissant la place à de majestueuses cornes droites. Et depuis, ce sont des oryx qui s’élancent vers le ciel.

 

Voilà donc ce que devirent l’attelage du Père Noël et le Père Noël lui-même.

 

Après tout, qu’importe son apparence du moment que la magie et le message restent les mêmes.

 

Le voyage est sur le point de commencer. Je passe une main sur la nuque de Rayna ou Reine comme je préfère l’appeler maintenant. Le traîneau est devenu bien léger. En plus, je n’ai plus de soucis à me faire. Il est enterré le temps où elle et tous les autres risquaient de percuter un avion ou une fusée.

 

Quelques instants plus tard, je les vois s’envoler vers un ciel vide.

 

Les nuages, il faut que j’aille les revoir. La neige, si je me fie au ciel que j’avais laissé le temps des préparatifs, elle est enfin de retour. Plus personne n’ayant besoin de moi pour le moment, je m’échappe en douce vers notre ancienne cité et tend la main pour recevoir quelques flocons blancs qui disparaissent au contact de la chaleur de ma paume.    

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24 décembre 2008 3 24 /12 /décembre /2008 12:39

Errance

 

La terre de glace disparue, les rennes s’éparpillèrent aux quatre coins du monde, chacun entraînant un aide avec lui. Je ne fus malheureusement pas du voyage, le nombre d’aides excédant celui des coursiers volants, mais ils ne manquèrent pas de me conter leurs nombreuses aventures sur la vaste terre.

            Et il fut long. Le voyage dura des mois. Des mois pendants lesquels ils allèrent de surprises en surprises, toutes plus désagréables les unes que les autres, en constatant l’ampleur des blessures infligées à la planète entière en si peu de temps. Jusqu’à la veille de cette horrible nuit, la terre avait toujours été magnifique, vue des nuages. Et il n’y avait pas que la température qui avait changée au-dessus de continents brusquement enrichis en eau. Des nuages gris et nauséabonds avaient également envahi le ciel et ils contraignirent rapidement les infortunés voyageurs à mettre un terme à leurs pérégrinations aériennes. Ce qui handicapa plus que sérieusement leurs recherches, les rendant encore plus amers qu’à la veille de Noël.

               L’un des plus tristes membres de cette troupe maintenant éclatée était sans nul doute Rayna. Rayna qui avait été l’un des rennes de tête de l’attelage volant. Comme les autres, elle avait absorbé d’énormes quantités de magie avant que le cocher de Noël ne disparaisse pour toujours. Son compagnon de voyage était Bjorn, un puissant archer blond aux yeux bleus. Quelques jours après son atterrissage, elle ressentit le besoin de changer de forme. Ne sachant quel animal lui conviendrait le mieux avec ces paysages en pleine mutation, elle dut vite se résoudre à revêtir l’apparence d’une jeune femme blonde au teint chaud et velouté. Ses pieds foulèrent en premier lieu le sable tiède d’une longue plage et, malheureusement, ils étaient seuls face à la mer. Aussi, souffla-t-elle avec tristesse à son compagnon.

 

- A croire que nous sommes les seuls habitants de Polaris à être encore en vie.

- Ces gamins d’elfes doivent bien dormir quelque part ! Es-tu certaine de ne rien entendre ?

 

Se retournant pour lui répondre, elle se prit les pieds dans une ancienne flaque de pétrole et cria.

 

- Saleté de…

- Montre !

 

S’alarma Bjorn.

 

- Aidez-moi ! J’ai mal et j’ai si froid !

 

Cet appel de détresse leur fit immédiatement oublié cette boue malodorante qui adhérait à la plante de pied de la femme blonde. Ce fut d’ailleurs elle qui en découvrit l’origine. C’était le cri de douleur d’un cormoran tout souillé d’hydrocarbures. Elle se pencha pour le prendre dans ses bras. Le froid, il leur avait dit souffrir du froid. Elle qui aurait donné toute la magie des elfes lui parcourant le corps, pour le sentir de nouveau contre sa peau.

 

- Aide-moi !

- Oui ! Je vais le faire.

 

Lui dit-elle avec une infinie douceur.

 

- Tu peux me comprendre ? Tu n’es pas comme les autres bipèdes qui sont venus nettoyer les plages. Malheureusement, à chaque fois, une nouvelle vague noire arrive et ils doivent tout recommencer.

- Ils ne seraient donc pas tous partis ?

 

S’étonna l’ancien renne.

 

- Alors, on pourrait les trouver, Rayna. Qui sait ? Ils ont peut-être pris les elfes pour certains des leurs ?

- Car tu les crois capables de penser à autre chose qu’à eux-mêmes ?

- Regarde-moi, Rayna !

- Tu n’es plus comme eux ! Tu étais presque devenu un habitant du glacier !

 

Il y avait une telle douleur dans sa voix ! Comment ne pas la comprendre ainsi que son ressentiment envers les hommes ? Bjorn la laissa achever de dire ce qu’elle avait sur le cœur avant de répondre.

 

- La vie auprès des elfes t’a changé. Jamais, tu n’aurais fui devant l’adversité ! Ne dis pas le contraire !

- Peut-être mais je suis encore un homme.

 

Cette très intéressante discussion prit plus vite fin que prévu. Bjorn, voyant la jeune femme menacer de défaillir, lui prit l’oiseau des mains. Elle venait de complètement le nettoyer et le sécher avant de le guérir des effets délétères du pétrole. Rayna s’assit ensuite sur une grosse pierre plate et se massa un moment les tempes. Bjorn leva les yeux vers le ciel avant de donner un élan à l’oiseau au plumage noir. Le cormoran s’éleva très vite dans les airs. Le soleil brillait entre les nuages. Un ciel bleu et un temps agréablement chaud alors que l’on était aux portes de l’hiver.

 

- Ça va ? Tu as mal au crâne ?

 

Elle ne répondit pas tout de suite. Elle semblait prise d’une migraine effroyable. Son rude compagnon lui massa un instant le dos. Il ne put s’empêcher de recouvrir d’un tissu rouge le léger duvet qui descendait jusqu’au bas des reins de la jeune femme. C’était l’unique souvenir de son passé de coursier évoluant dans les pires conditions de froid. La seule marque que lui avait laissée la magie après sa métamorphose.

 

- Ce sont les voix. Celles qui volaient toujours vers le cocher, le Père Noël comme elles l’appelaient. Maintenant que la période approche, c’est moi qui les entends. Et elles parlent toutes en même temps ! A un point tel que je n’y comprends rien !

 

Il la releva avec un peu trop de rudesse. Et après quelques rapides excuses maladroites, il lui demanda.

 

- Peut-être mais elles existent bien. Guide-moi. Nous devons retrouver la trace des hommes. Ils peuvent nous aider.

 

Le pénible voyage se poursuivit à pieds sur une surface désolée, creusée, vidée de presque toutes ces richesses si importantes aux yeux des anciens occupants. Même la mer leur avait parue déserte au début de leurs investigations. Mais c’était déjà de l’histoire ancienne, les autres rennes et les aides secouraient, eux aussi, tous ceux que le hasard mettait sur leurs routes. Donnant ainsi un fameux coup de pouce à la nature qui recommençait tout doucement à reprendre ses droits. Leurs efforts furent vite récompensés puisque, après quelques semaines de soins très soutenus, de petits bancs de poissons se mirent à recoloniser les mers, les rivières et les lacs autrefois pillés en vue du grand départ des humains vers les étoiles. La terre ferme suivait le même chemin. Et les deux êtres continuaient inlassablement à rechercher les elfes ainsi que les hommes survivants. Puis, un matin, loin des terres.

 

- Regarde, encore un nouvel incendie. Il faut fuir !

 

Rayna désigna à son compagnon une longue colonne de fumée qui s’élevait dans un ciel sans nuage, de l’autre côté de collines arides. Bjorn la retint alors que, cédant à son ancestrale crainte du feu, elle s’apprêtait à fuir.

 

- Non ! Cette fois, on a retrouvé les hommes. C’est déjà un début.

 

Elle se débattit pour se dégager de la très forte poigne du guerrier. Ses battements de cœur allant en s’apaisant, elle entendit une très faible musique, une sorte de bourdonnement.

 

- Des vagues d’appels.

 

Des silhouettes apparurent, des chasseurs. La jeune femme fut prise de panique tandis que Bjorn leur fit de grands gestes de salut. A croire qu’en cet instant, lui seul possédait la faculté de comprendre toutes les formes de langages possibles. Il dut pratiquement maîtriser Rayna avant d’essayer de la rassurer.

 

- Ce sont des hommes ! Ceux que tu entends depuis des jours et que nous recherchons depuis si longtemps ! Nous les avons enfin trouvés ! Viens Rayna. Tu ne dois pas avoir peur !

- Mais ils vont me dévorer ou me décapiter !

- Hein ? Mais non, tu es comme eux maintenant ! Tu n’es plus un renne !

 

Elle lui lança un regard rempli d’horreur et il se ravisa.

 

- Enfin presque. Essaie juste de dissimuler ta vraie nature. Et puis, je sais parfaitement me battre en cas de danger.

 

Il fit glisser l’une des ses haches de guerre pour joindre le geste à la parole. Rassurée, elle lui sourit alors qu’il l’entraînait vers le petit groupe. Lequel les dirigea par la suite vers leur village qui s’avéra être tout proche. Le désert s’étendait dans toute sa grandeur devant les quelques maisons complétées de tentes et de cabanes en voie de construction. Une terre brûlante de sable et de cactées avait succédé à l’ancienne toundra. Les appels reprirent de plus belles. Mais cette fois, parfaitement détendue grâce à la présence de Bjorn, Rayna comprit enfin la signification des demandes qui filaient vers elle depuis que la période de Noël approchait. Mais toujours aussi méfiante, elle s’éclipsa, laissant Bjorn parler seul avec les hommes, doutant encore de l’aide qu’ils pouvaient soit disant leur apporter dans leurs recherches. Elle entendit juste ce début de phrase avant de s’éloigner à la faveur de la nuit.

 

- Nous essayons de rassembler les hommes encore en vie. Mais cette fois, nous ne…

 

Elle se dirigea vers un groupe de petites filles. L’une d’entre elles se tenait à l’écart et très près du feu alors que la nuit était presque aussi suffocante que le jour. Intriguée, Rayna l’approcha sans que personne ne la remarque. S’assurant que nul ne les guettait, elle posa sa main sur l’épaule délicate de l’enfant. Elle leva de magnifiques yeux noirs vers cette étrange femme blonde et bronzée qui venait d’apparaître comme dans un rêve. Face à ce regard envoûtant, la rancœur de l’ancien coursier s’apaisa et finit même par disparaître. Elle respira à fond avant de murmurer.

 

- Une elfe. Ces hommes ont recueilli et soigné l’une des petites elfes des glaces sans le savoir. Sans l’obstination de Bjorn, je ne l’aurais jamais découverte.

 

La petite se jeta tout droit dans ses bras. Elle l’avait parfaitement reconnue malgré son changement de forme. Et chose curieuse, elle cherchait encore de la chaleur à son contact alors que plusieurs couvertures de laine l’enveloppaient étroitement. N’y comprenant plus rien, Rayna ne put se retenir de lui demander.

 

- Pourquoi te cache-tu là-dessous ?

- J’ai si froid.

- Froid !

 

Répéta Rayna. Les elfes du glacier craignaient la chaleur et cette petite, l’une de leurs filles, tremblait de froid sous une chaleur pourtant étouffante. Dès qu’une occasion se présenta, elle tira Bjorn à l’écart. Elle était encore trop méfiante.

 

- Rayna ! Tu ne veux toujours pas les comprendre !

- Non ! Les hommes sont mauvais. Regarde ce qu’ils ont fait de la terre avant de l’abandonner ainsi que ceux-là.

 

Elle étendit le bras, désignant le village endormis et ses occupants.

 

- Tu n’arriveras donc jamais à te débarrasser de ta colère.

- Il faut que nous partions avec la petite elfe. Les hommes ne pensent qu’à eux. Ils pourraient…

- Les elfes. Oui ! C’est l’essentiel, Rayna. Nous devons les réveiller et les rassembler. Et les hommes peuvent nous aider. D’autres villages existent. Ils peuvent tous se parler grâce à leurs machines. Ça nous aiderait vraiment d’aller les visiter l’un après l’autre.

- Mais ?

- Il faut que tu leur offres cette deuxième chance. Ils n’aident pas uniquement leurs semblables. Les plages et la nature se redressent aussi grâce à leurs efforts. Bien sur, ils ne sont pas aussi spectaculaires que vos tours de magie mais ils portent quand même leurs fruits. 

- Je…

- Rayna, il te faut leur donner une autre chance. Regarde la petite elfe. Ils auraient pu l’abandonner comme ceux qui ont fui dans les nuages mais ils ne l’ont pas fait. Ils l’ont nourrie et soignée de leur mieux tout en sachant qu’elle n’était pas humaine. Comme tous ces petits orphelins ! Ce sont eux qui t’appellent. Pour que Noël leur vienne en aide et leur offre un peu de bonheur !

 

Ils discutèrent ainsi durant toute la nuit. Au lever du jour, Rayna fit part de sa décision à Bjorn. Il était enfin parvenu à la convaincre. Elle avait choisi d’user une nouvelle fois de la magie des elfes pour se rendre invisible et suivre les actes des hommes. Une nouvelle chance leur serait offerte s’ils renouaient avec l’esprit de Noël tel qu’il était au tout début. Bien sur, elle n’oublia pas d’emmener l’elfe avec elle avant de s’évanouir dans l’ombre du crépuscule.

 

De nombreux autres évènements suivirent. Les hommes, sans le savoir, avaient recueilli presque tous les elfes égarés. Seuls, les rennes et les aides n’auraient retrouvé que les deux ou trois petits endormis à l’écart des villages. Les aides durent d’ailleurs déployer tous leurs talents pour apaiser les coursiers porteurs de magie. Heureusement, ils y parvinrent avant la date butoir car ce ne fut qu’une fois débarrassés de leurs rancunes et leurs haines envers les hommes que les rennes parvinrent à réveiller et rassembler tous les elfes survivants.

 

Puis la veille de Noël arriva sur le désert.

A suivre ...

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24 décembre 2008 3 24 /12 /décembre /2008 12:31
Pour la Noël, je vous offre l'un de mes tous premiers contes.

Il avait fini troisième au concours Oniris sur le thème du conte de Noël.


Terre de glace et sable de feu

 

C’était par un bien triste temps, presque pareil à celui de cette courte journée qui s’achève, que tout a commencé. En une froide nuit naissante où j’aurais dû, comme chaque année à la même époque, aider l’un de mes plus vieux amis à préparer son voyage autour du monde.

 

Cela me semble si loin maintenant. Je lève un moment la tête, interrogeant du regard un ciel bas, infiniment prometteur avec sa lourde charge de nuages et s’obscurcissant de minutes en minutes. Plein d’espoir, je scrute avec insistance la voûte sombre à la recherche d’un signe. Viendra-t-elle enfin cette année ? Sentant la fraîcheur de l’eau qui ruisselle le long de mon imposante chevelure dénouée, je ne bouge pourtant pas, ne cherchant même pas à me préserver de la pluie ou du vent. C’est ainsi, c’est dans ma nature. Je suis comme cela depuis des lustres. Bien avant que toute cette histoire ne débute. Si je me fie à ma mémoire, cela remonte à l’époque où après avoir vaincu le glacier, j’en avais percé le secret. Et à dater de ce jour, jamais plus je ne pus me débarrasser de cette habitude de m’offrir à l’air froid. A l’air, au vent venant nous frapper au sommet des monts de glace. Mais le vent qui me bouscule en cette journée d’hiver n’a plus rien de commun avec celui de cette nuit. Ce fut vraiment un moment unique. Si seulement, j’avais pu deviner l’avenir à cet instant-là. Mais il est trop tard, c’est le passé et personne ne peut plus rien y changer. Comme me le crie avec tant de force le vent tueur ! Toujours aussi indomptable, il n’a rien perdu de sa puissance malgré son changement de visage. Autant par réflexe que par défi, je saisis une pleine poignée de grains clairs, presque blancs que j’envois aussitôt valdinguer avec rage dans le vent. Mes yeux suivent un long moment leur valse tourbillonnante alors que le souvenir de cette fameuse nuit revient me hanter.

 

Cela remonte à si loin, sans doute une éternité pour les humains. C’était un temps, une époque tout à fait différente. Mon antre n’avait rien à voir avec mon refuge actuel. Le situer dans l’espace ne signifierait plus rien maintenant, plus après tout ce qu’il s’est passé. Ne perdez donc point votre temps à le rechercher en vain sur la vaste terre. Contentez-vous juste de vous laisser porter par les ailes de votre imaginaire, au-delà des époques et des distances.

 

Terre de glace

 

En ces temps reculés, je vivais loin de la civilisation, en un lieu secret, perdu aux confins du Grand Nord. Là, où au détour d’une forêt pétrifiée, admirablement enveloppée d’un riche et lourd manteau de glace sculptée, s’élevait une demeure à nulle autre pareille. Immense et inaccessible, elle semblait jaillir directement de la chair éclatante du glacier. Elle en possédait à la fois la force et la beauté, se dressant sans trembler une seule fois face aux plus terribles vents polaires, isolée, ignorée de tous et de toutes. Les hommes se doutaient-ils seulement de son existence ? Car rares furent ceux à l’avoir à peine entrevue entre deux rayons de lune ou sous la chaude lumière d’un fugitif rayon de soleil levant. Oui, ils furent si peu à vivre cette expérience. Non pas à cause des rigueurs d’un hiver quasi permanent ou des pièges de la forêt du septentrion qui ne firent jamais frémir les aventuriers de tous poils mais bien à cause d’autre chose, d’une menace autrement plus terrifiante à leurs yeux que les assauts d’une nature polaire. Lorsqu’elle se présenta à eux, même les mercenaires les plus hardis ou les plus téméraires ne purent que trembler. La grande majorité d’entre eux prit d’ailleurs ses jambes à son coup dès les premières manifestations des fantômes à l’éclat de diamant. Les virent-ils au moins ? S’enfuyant comme ils le firent lorsque les tout premiers accords des chœurs enchantés s’élevèrent des profondeurs des bois de perle, d’ambre et d’émeraude. Des voix douces, pourtant, sans une once d’agressivité, mais si envoûtantes qu’elles ne pouvaient être humaines. Presque tous refluèrent donc vers leurs sinistres et froides villes de roche et de lumière. Quant aux autres, les très rares inconscients à avoir osé passer outre ces effroyables mises en garde, nul ne les revit jamais. Ce qui n’empêcha nullement les ménestrels de conter la suite de leurs exploits, inventant d’innombrables versions, toutes plus passionnantes les unes que les autres, allant du merveilleux à l’horreur en passant par le burlesque. Ce qui finit par reléguer Polaris, la ville boréale, vivante et bien réelle au rang de superstition. Suite à quoi, l’immortelle cité et ses occupants, les hauts et pâles elfes de glace, ainsi que les quelques humains, vestiges d’époques révolues, à vivre parmi eux tombèrent dans l’oubli. Ce qui les protégea tous des siècles durant des seuls êtres capables de leur nuire.

 

Telle était la vie dans le Grand Nord, immuable. Rien ne semblait devoir bouger. Tous vivraient éternellement en harmonie avec le glacier. Seule, parmi tous les autres éléments naturels, la voûte étoilée donnait parfois d’infimes signes de changement. Un peu comme si elle s’éloignait sournoisement de l’immense demeure immaculée.

 

Puis vint cette nuit, celle du 21 décembre, la nuit du solstice d’hiver selon le calendrier des hommes. Les elfes s’affairaient avec frénésie sous les toits transparents du palais. D’ici trois jours, le long voyage planétaire de leur plus ancien invité, pratiquement un des leurs maintenant, commencerait. A la limite de leur longue plaine blanche, une brise légère vint taquiner leurs petits, les plus jeunes avaient à peine de plus de deux cents ans. Trop occupés par leurs jeux, ils ne s’en soucièrent pas tout de suite. Jusqu’à ce que sa saveur étrangement fruitée finisse par éveiller la curiosité de quelques-uns d’entre eux. Ils allaient refluer vers l’imposant portail les séparant de Polaris lorsqu’un autre évènement ô combien plus époustouflant les retint à l’extérieur. Leurs cris, mélange de surprise et d’admiration, attirèrent les adultes sous une voûte céleste soudain illuminée, presque embrasée de mille feux. Les anciens humains les entendirent également de l’autre côté des murs. Et parmi eux se trouvait le voyageur de décembre, le cocher écarlate de Noël, encore vêtu à cet instant de son habituel habit de daim. Au moment où l’alerte fut donnée, il se tenait debout, droit au milieu de ses rennes en pleine transformation sous l’effet des vagues de magie émanant de Polaris entière. Encore quelques minutes de patience et ils auraient perdu leurs chaudes robes brunes au profit d’un pelage plus pâle, presque blanc argenté, devenant par-là même les plus fantastiques des coursiers volants. Ceux qui, d’ici trois jours, chevaucheraient les plus puissants courants polaires, entraînant à leur suite, leur cocher, ses aides et leur traîneau bien au-dessus des nuages avant de dériver sur toute la surface de la terre. Malheureusement, ils devraient, cette année encore, rivaliser avec ces fichues et toujours plus nombreuses inventions volantes dont les hommes ne cessaient d’encombrer le ciel. A croire que ces êtres ne s’arrêteraient jamais. Seraient-ils seulement un jour satisfaits des bienfaits que leur apportaient leurs découvertes ou fileraient-ils tous vers leur perte ? L’un des cervidés millénaires frotta ses bois au muret avant de se délecter de l’un des savoureux plats de lichens fraîchement récoltés par les aides et laissés à leur disposition. Ensuite, après quelques paroles qui se voulaient rassurantes, la vie parmi les elfes leur ayant à tous appris à se comprendre quelque soit leurs formes et leurs espèces, le cocher les quitta et se dirigea vers la sortie. Lui aussi changeait de minute en minute, laissant pour les quelques jours à venir sa jeunesse éternelle de côté. Sa démarche, première manifestation de son changement, se faisait plus pesante à mesure qu’il avançait. Bientôt, il ne lui resterait plus qu’à troquer ses confortables vêtements contre une lourde tenue d’un écarlate digne des anciens empereurs et chaudement soulignée de fausse fourrure aussi blanche que la toison de l’hermine. Un rapide geste de la main sur son visage l’informa, mieux que son reflet dans un miroir, de la bonne poursuite de sa métamorphose. Sa peau se flétrissait tandis que de puissants éclairs l’éblouirent depuis l’extérieur sur les derniers mètres de couloir le séparant de l’air libre. Encore quelques pas vigoureux, sa force demeurant à chaque fois intacte malgré sa transformation en vieillard, et il saurait enfin les raisons d’un tel émoi.

 

Le large seuil franchi, un vent odorant porteur de fines poussières grisâtres lui souffla en plein visage sans le refroidir ou simplement le gêner. Il ne s’en soucia d’ailleurs pas. Pas plus que du regard stupéfait de Solven, une gracieuse petite elfe délicatement vêtue d’un tissu coloré, aussi doux, aussi soyeux que son apparence. Elle leva vers lui de longs yeux d’azur pâli, ourlés d’épais cils blond doré. Après avoir attendu dans un silence tout relatif, la plaine vibrant à la fois des cris des jeunes fêtards ainsi que du vacarme assourdissant de cette interminable nuit, elle lui demanda d’une voix claire et agréablement chantante.

 

- C’est beau ! C’est ça une pluie d’étoiles ?

 

Celui qui ressemblait, à présent, davantage à un vieillard qu’au robuste coureur des bois qu’il était le reste de l’année, prit son temps avant de lui répondre avec un maximum de calme. Comme il avait coutume de le faire à chaque fois que les autres petits elfes se mettaient en tête de le bombarder de questions en tout genre ! Leur sujet préféré restait toujours cette étonnante transformation ainsi que son périple autour du monde une fois l’an. Les récits de ses voyages nocturnes au-dessus des nuages en compagnie de ses rennes et de ses aides ne cessaient de les émerveiller. Déjà, certains lui avaient demandé de venir leur en conter de nouveaux dès son retour. Ou bien, pour changer un peu, ils tentaient de deviner son tout premier nom. Celui qu’il portait lors de son arrivée parmi eux et qui avait fini par s’effacer devant ceux que ses descendants et bien d’autres lui offrirent au fils des ans. Mais visiblement cette fois, il traîna trop au goût de son public. Puisqu’à bout de patience, la petite tira sur sa manche pour le presser de fournir enfin une réponse.

 

- Je ne sais pas vraiment !

 

Dit-il en lissant sa barbe naissante.

 

- Ça ressemble en effet à des étoiles filantes mais quelque chose cloche.

 

Cette explication laconique eut au moins le mérite de ne pas l’affoler. Et à son grand soulagement, il put s’en tenir là. Ses petits compagnons la réclamant à grands cris, Solven jeta un dernier regard interrogateur au vieil homme avant de le planter sur place pour se joindre aux jeux de ses amis. Quant au voyageur de décembre, il ne pouvait plus détacher son regard bleu, incroyablement perçant, du terrifiant spectacle de ces traits lumineux fendant un ciel d’encre. Ils étaient trop nombreux, trop soutenus et surtout trop mal orientés pour être naturels. De toute façon, rien ne fut normal cette nuit-là. Ces choses ne pouvaient être des étoiles filantes ou au pire des météores. De toute façon, il ne pouvait nier l’évidence en regardant la direction ou plus exactement la trajectoire que prenaient ces choses.

 

- Toi aussi, tu trouves que c’est anormal ?

 

Surpris par cette voix cristalline, il se retourna prestement, malgré son brusque embonpoint, vers son origine.

 

- Galancia !

 

La somptueuse elfe drapée de bleu lui sourit, avant de continuer sur sa lancée.

 

- Oui ! C’est bien cela qui t’inquiète !

 

Prise d’un malaise soudain après ce dernier mot, elle manqua de s’effondrer sur le sol. Son interlocuteur la rattrapa de justesse.

 

- Que t’arrive-t-il ? La magie ? Est-ce que…

- Elle vient de t’être transférée ainsi qu’à tes rennes comme cela se fait chaque année.

 

Lui répondit l’elfe.

 

- Il vaudrait mieux que tu rentres t’abriter. Le temps que l’on comprenne ce que tu as.

- Ce n’est pas grave. Juste une faiblesse transitoire.

- Ce n’est pas normal. Le transfert ne devrait pas te faire cet effet-là !

 

Elle ne lui répondit pas tout de suite, sa respiration se faisant de plus en plus rapide. Sa peau ne lui parut plus si froide. Ce qui ne fit que renforcer sa crainte. Il avait bien fini par s’habituer au contact glacé des elfes mais que leur peau lui paraisse fraîche, c’était une nouveauté. Enfin, elle parut reprendre un peu son souffle lorsqu’ils franchirent ensemble la porte monumentale. Ceci fait et sans trop savoir pourquoi, il se retourna vers la plaine. Elle venait de se vider de ses occupants. Seule cette nuée de corps éblouissants s’obstinait à traverser le firmament avant de se perdre par delà les nuages et les étoiles.

 

- Et cela ne semble même pas encore prêt de s’arrêter.

 

S’inquiéta l’homme avant que son amie ne s’écrie.

 

- Polaris ! La cité, elle vacille !

 

Un bruit sourd, suivi de nuages de poussières glacées, se fit brutalement entendre. Un moment, la cité parut reposer dangereusement sur une gigantesque étendue liquide en constante augmentation. Mais les surprises ne devaient pas s’arrêter là. L’ouie du gros homme, bien loin de s’amenuiser, s’affinait, devenant à terme presque infaillible. Et grâce à elle, il comprit enfin.

 

- Ce sont les hommes, ils m’appellent !

- Ils doivent sûrement ressentir la même peur que nous !

 

Après avoir fait cette supposition, Galancia réussit à se relever sans trop chanceler. Bien qu’amaigrie, elle avait repris tous ses esprits. Très préoccupé par son état, le cocher mit un certain temps avant de réaliser qu’un silence de mort venait de s’abattre sur la plaine et la cité de glace tandis que l’obscurité enveloppait le tout sous un voile sombre et duveteux, dénué de la plus petite étoile. La paix, la paix venait juste de revenir avec la fin de cette effroyable pluie de corps de métal et de eux inversée. Mais loin de se réjouir, ses yeux, restés jeunes, se durcirent, chose qu’il avait presque oubliée depuis ce jour mémorable où il avait commencé à distribuer du bonheur aux hommes, aux femmes et surtout leurs enfants. Et cette colère se propagea à tout le visage lorsqu’il reçut une nouvelle vague d’appels.

 

- Ils ont fui ! Ils sont partis vers d’autres mondes en prenant tout ce qu’ils pouvaient ! Une fête de Noël et du Nouvel An dans les étoiles ! Un Noël dans les étoiles !

 

Répéta-t-il avec amertume.

 

- Dire que cela vient juste d’arriver.

 

Soudain, comme pour le ramener sur terre, un nouvel effondrement l’arracha à sa rage. En temps normal, après avoir perdu le dôme de magie l’isolant du temps ainsi que du reste du monde entre deux escapades du cocher écarlate de Noël, la cité aurait dû être totalement renouvelée à partir du glacier. Et pourtant, la réalité était tout autre. Polaris, loin de se régénérer, volait en éclats, se désintégrant morceau par morceau, de la périphérie vers le centre. L’air en était saturé d’humidité glacée pour les humains, suffocante pour les elfes, chargée de poussières grises et collantes. Entre-temps, les aides, hommes et femmes de la cité des glaces, s’étaient joints aux deux êtres restés près de l’entrée. Face à ce qui s’annonçait être la pire des catastrophes depuis la naissance de la cité septentrionale, le dernier arrivé, Leonardo, s’empressa de dire.

 

- Ces lumières, c’étaient des engins métalliques fabriqués par les hommes et non des étoiles. Elles sont liées à ce qu’il est en train de se passer. Ces hommes viennent de partir dans l’espace.

- C’est aussi ce que je pensais.

 

Cette voix qui n’avait pas grand-chose d’humain les prit au dépourvu. Décidément, rien ne devait se dérouler comme prévu. Les élégants cervidés débordaient de magie. Leurs sabots reposaient maintenant sur une colline envahie de verdure au début de l’hiver polaire ! Les rennes et les aides eurent beau la parcourir en tout sens, ils durent bien se rendre à l’évidence. Il ne restait plus la moindre trace de glace et pas uniquement sur le territoire de Polaris. Sinon comment expliquer la destruction de la cité ? S’il restait de la glace quelque part, la magie elfique l’aurait transférée depuis n’importe quel point de la terre jusqu’ici, dans le Grand Nord.

 

- Mais que s’est-il passé ici ? Jamais le glacier n’aurait dû disparaître ainsi !

- Il ne devait pas être aussi immortel que les elfes ? Enfin vivre tant qu’il y aurait de la glace sur terre ou un truc comme ça ?

 

S’exclama Bjorn, un ancien guerrier. Cette simple remarque fournit une explication partielle au trop grand afflux de magie vers les rennes et quelques-uns des aides. En fait, ceux qui avaient découvert en dernier la cité des elfes de glace. Le vent gémit de nouveau, une brise chaude qui courba les hautes tiges dépassant de l’eau. Et cette température, il faisait chaud, si chaud, insupportable pour des êtres polaires. Un nouveau concert assourdissant se fit entendre. Cette fois, ce fut au tour du cœur de la cité, le palais, de se craqueler, menaçant désormais de s’écrouler à tout moment. Galancia les fit soudain tous se taire d’un hurlement violent, à la mesure de la colère des elfes mais aussi de tous les autres habitants de Polaris.

 

- Ecoutez-moi, maintenant ! Le processus de transfert de magie a été dévié dès que les premières de ces étoiles de fer ont blessé le ciel. Le palais va bientôt disparaître lui aussi. Ce n’est plus qu’une question d’instants.

 

Elle passa sous silence la conséquence logique de la disparition du glacier et de leur cité du Grand Nord.

 

- Les rennes sont les êtres les plus réceptifs à notre magie sur tout le domaine de l’ancien glacier. Ils vont partir avec vous.

- Mais et…

- Ne m’interrompez pas. Nous venons d’évacuer les jeunes au moyen de notre plus puissant sort, celui du changement et de la survie.

- J’avais bien remarqué la disparition de presque tous les jeunes elfes. C’était donc cela.

 

Glissa Leonardo.

 

- Il suffit, je n’ai plus beaucoup de temps ! Il va falloir que vous les retrouviez avant la date du prochain voyage de Noël.

- Les retrouver ?

- Oui ! Pour les réveiller, leur rendre leur magie et fonder une nouvelle cité des elfes. Allez, partez tous maintenant ! Tant que vous le pouvez encore !

 

Les aides et les rennes s’échappèrent pendant que les ruines du palais filaient inexorablement vers les profondeurs d’un futur lac. Quant à l’homme de Noël, il préféra demeurer seul le temps qu’il lui restait. Là-bas dans le Grand Nord. Les elfes s’étaient tous évaporés lorsque le jour du voyage de Noël fut venu. Il revêtit son costume d’écarlate avant de disposer les sacs de présents devenus inutiles autour de lui. Mais quelque chose manquait. Le traîneau, il se coucha sur le traîneau de bois enchanté avant de fermer les yeux, il fixa longuement un ciel lourd où ne brillait qu’une seule étoile. Il se croyait seul lorsque des voix étouffées se mirent soudain à bourdonner à ses oreilles. Elles étaient faibles, bien sur, mais réelles. Des hommes seraient donc restés ? Ils n’auraient pas tous disparus dans l’immensité de l’espace, préférant fuir la planète plutôt que réparer leurs erreurs ? Il restait peut-être encore un espoir pour ses amis et compagnons si l’esprit de Noël pouvait se réveiller une nouvelle fois au milieu du peuple des elfes.


A suivre...

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21 décembre 2008 7 21 /12 /décembre /2008 10:44
Bonjour,

en ce 21 décembre, nous voici aux portes de l'hiver et pour cette journée de solstice, je vous propose mon dernier dessin de fée.

Une fée bleue au milieu de la grisaille hivernale.

A plus tard

Liry
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12 décembre 2008 5 12 /12 /décembre /2008 09:31
Bonjour, je reviens juste pour vous dire deux mots sur le site d'Oniris

Oniris est un site consacré à la littérature où des auteurs amateurs peuvent venir proposer leurs textes, poèmes ou nouvelles, mais aussi commenter les textes proposés ou discuter  avec d'autres passionnés de littérature.

N'hésitez pas à aller y faire une petite visite...

http://www.oniris.be

A bientôt.

Liry


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9 décembre 2008 2 09 /12 /décembre /2008 15:19

Une course éperdue plus tard et elles se retrouvent face à une grille. Un obstacle qui les force enfin à ralentir. Enfin si on veut car c’est la grille d’un parc qui se dresse devant elles. Un parc, un lieu qui leur semble étonnement rassurant en dépit de la nuit noire qui plane sur leurs têtes. Toujours sans un mot, elles décident de suivre la toile métallique jusqu’à ce que l’entrée apparaisse. Un très grande porte ouverte en permanence.

 

Ces lieux à peine éclairés feraient trembler n’importe quelle jeune fille mais elles n’ont rien d’humain et, sans l’ombre d’une hésitation, franchissent le seuil dépourvu de la moindre grâce. Et ce n’est qu’à cet instant que Dona ouvre enfin la bouche.

 

- Pourquoi ce lieu en particulier ?

- Je ne sais pas… Mais on attirera moins l’attention comme ça.

- Tu penses vraiment avoir une chance de passer inaperçue ?

 

Ama regarde ses vêtements tachés et sourit. Le sang est sec maintenant mais elle en est recouverte de la tête aux pieds. La voix incroyablement mélodieuse de la “fragile” Dona reprend.

 

- Tu aurais pu y aller moins fort, quand même.

- C’est uniquement à cause de ce corps, Dona.

- Vraiment ?

- Je ne suis plus comme toi, maintenant. Dire que j’aurais dû être aussi forte que mon…

 

Elle se tait encore sous le choc, la douleur étant toujours aussi vive. Même si son corps ne porte plus que quelques fines cicatrices rosées, elle peut encore sentir le froid de l’acier cogner contre elle jusqu’à ce qu’elle puisse enfin sortir. Touchée par le regard de détresse de sa compagne, Dona pose sa main sur l’épaule soyeuse.

 

- Je sais. Je t’ai entendue crier lorsque ton arbre a été abattu.

- Et tu n’es pas la seule. Cette femme. Elle m’a entendue elle aussi.

- Hein ? Tu l’as vue ?

 

Les yeux de Dona brillent soudain. De longs yeux sombres dans lesquels on se noierait si facilement. Ama soupire avant de répondre, sachant qu’elle va décevoir son amie.

 

- Oui mais j’étais si faible que je l’ai perdue.

- Pas si on retrouve les autres.

 

Lui répond avec douceur Dona, lui entourant les épaules de son bras.

 

- Les autres ?

- Plantago et l’if, Ama. Ils sont sortis avant nous. Ils étaient même aux premières loges.

- L’if ? Celle associée à l’if… Tu parles bien d’Elba ?

- Oui !

- C’est possible. Elle n’était pas très loin de moi lorsque tout a commencé. Elle serait donc encore près de cette fille ? Je me demande bien pourquoi.

- Je n’en sais rien. De toute façon, ses raisons ne doivent rien avoir en commun avec les nôtres.
- Sans doute. Moi, j’ai perdu pour toujours mon arbre. Il n’y en aura plus aucun comme lui.

- Non ! Attend. C’est encore bien trop tôt pour désespérer. L’un des gardiens pourrait peut-être en refaire pousser un à partir d’un simple rameau.

- Faudrait-il encore qu’il en reste.

 

Laisse-t-elle s’échapper alors que Dona s’efforce de la réconforter mais en même temps, elle voudrait tant savoir.

 

- Je suis certaine qu’il doit en rester. Dès que possible on retournera voir. Au fait. Tu as fait quoi pour te retrouver ainsi ?

- Je te l’ai dit, je ne contrôle pas encore ma force. Et puis, je ne pensais pas non plus qu’ils étaient devenus aussi fragiles.

- Et ça ?

 

Elle vient de remarquer deux étranges bracelets sur ses bras rougis. Et elle en porte d’autres sur les chevilles ainsi que sur le front.

 

- L’un des mes meilleurs moyens de survie. Mais comme tu as pu le voir, j’ai raté mes premiers essais.

- Je vois. Mais pourquoi as-tu tant besoin de puiser dans le corps des…

- J’ai perdu la faculté de me nourrir uniquement d’eau et de soleil comme toi ou Elba, en même temps que mon tronc et tout le reste.

- Je suis certaine que l’un des gardiens pourra inverser le processus. Tout ce qu’il nous reste à faire est d’en trouver un !

- S’il veut bien nous aider, Dona. Soupire Ama avant de continuer. Et puis nous ne nous entendons pas si bien que ça avec eux !

- Ça, tu ne peux pas le dire avant d’en avoir rencontré un.

- Tu as une idée du lieu où il pourrait se trouver ?

- Non ! Mais j’ai un moyen d’y arriver et puis, nous devons aussi nous occuper de l’autre. Celle qui nous a percuté avec cette espèce de char sans chevaux.

- Elle et Elba sont encore dans les parages. Plantago aussi d’ailleurs.

- Plantago ? Ce gamin ?

 

Sursaute Dona.

 

- Oui !

- Attend un peu. Pour l’instant, nous sommes quatre à être sortis de l’enceinte de la Serre.

- En plus de l’un des gardiens. Ne l’oublie pas, Dona !

- Il n’y est jamais vraiment entré. Tu veux dire….

 

La rancœur de la brunette est plus que visible. Elle jalouse tant la liberté de ce légendaire. Presque autant qu’elle hait ces hommes qui les ont traqués de nombreux siècles auparavant. Mais maintenant, qui sait s’ils peuvent encore les menacer aussi facilement qu’avant. Rien que le carnage qu’Ama a laissé derrière elle lui ferait bien croire que le temps a joué en leur faveur.

 

- En tout cas, sa porte nous serait bien utile même endommagée.

- Car tu crois qu’il va te laisser le vider de toutes ses forces sans rien dire. De toute façon, nous devons d’abord le retrouver, Dona. Il est au dehors depuis bien plus longtemps que nous et ne doit certainement pas se promener seul. En plus, rien ne doit le différencier des hommes.

- Peut-être mais j’ai, moi aussi, quelques arguments en réserve.

- Tu penses y arriver comme ça ?

 

Un étrange sourire vient étirer les lèvres carmine de Dona.

 

- Pourquoi ? Tu en doutes, Ama ?

- Non ! Mais, on devrait peut-être d’abord s’occuper de ce qui se trouve là-bas.

 

Sur cette dernière parole, Ama tire sa compagne derrière un ensemble d’arbustes. Dona allait protester mais sa complice l’en empêche.

 

- Chut… Tu n’as donc rien entendu. D’autres humains approchent.

 

Les deux “femmes” restent un instant dans l’ombre alors qu’une bande de jeunes envahit le parc. Ama les détaillent. Elle souffle à son amie.

 

- Aucune chance qu’il soit parmi eux.

- Attend ! Tu ne vas quand même pas retenter un essai maintenant ?

 

Lui demande Dona alors que la blonde se dirige vers un groupe à l’allure chancelante.

 

- Je pense avoir trouvé le bon moyen maintenant. Lui répond-elle. Surveille les lieux, s’il te plaît. Je ne tiens plus à être dérangée.

- Ok ! A charge de revanche !

- Pas de problèmes ! Et puis, moi aussi, je veux savoir.

 

Dona s’efface en un fluide mouvement de lin noir. Elle regarde son amie avancer avec grâce vers la petite troupe. Quelque chose l’intrigue soudain. Les vêtements de la blonde Ama. Le sang qui les souillait s’est volatilisé sans qu’elle ne s’en aperçoive. Comme absorbé. Songe-t-elle. Et cette odeur. Elle lui fait un drôle d’effet. Une drogue ? On dirait bien que c’est ça. Elle serait donc capable de…

 

Ama… je crois que cette fois, j’ai compris mais ceux-là ressemblent davantage à des épaves qu’à autre chose. Tu ne pourras pas t’en contenter bien longtemps… Juge-t-elle mépris. La sombre jeune “femme” ne peut s’empêcher de haïr ces êtres qui l’ont contrainte à se terrer des siècles durant. Et puis, elle n’est pas humaine, pas plus qu’Ama. Et parlant des humains, les voilà qui réagissent enfin.  

 

Soudain leur nombre l’inquiète et elle décide de rattraper sa complice qu’elle rejoint en quelques foulées.

 

- Attend, ce n’est peut-être pas très prudent que tu y ailles seule. Ils peuvent être très dangereux. Et n’essaie pas de me tromper. Tes cicatrices sont parfaitement visibles pour moi.

 

Entendant cela, Ama l’écarte. Elle sourit en lisant une sincère inquiétude poindre dans les longs yeux de Dona. Ses pupilles qui normalement sont si sombres, grandes et insondables. Bien trop pour être normales.

 

- Laisse-moi faire. Je te dis que ça va maintenant.

- Soit. Mais tu ne m’empêcheras pas d’intervenir si cela devient trop bruyant. On ne va quand même pas passer notre temps à semer des cadavres…

- C’était une erreur de débutante. Cela n’arrivera plus.

 

Pas tout à fait convaincue, Dona s’installe sur l’un des bancs alors que sa compagne s'approche du groupe. Ils s’éloignent à son arrivée et elle les regarde partir un à un, ne faisant rien pour les retenir jusqu’à ce qu’il n’en reste qu’un. Et pour cause, il est incapable de se lever. Ama s’agenouille alors en face de lui. Dona ne peut l’entendre mais son discours semble plaire au jeune homme. Il paraît même subjugué. Son bras est marqué mais cela ne dérange guère la bonde Ama qui se penche vers lui. Elle lui chuchote longuement à l’oreille avant de lui saisir le bras. Sa main glisse le long de la peau blême avant d’arriver au poignet. Elle le caresse avec douceur avant de finalement changer d’avis. Elle se recule un peu. Surpris, le garçon ouvre les yeux. Quelques instants de réflexion plus tard, sa main se pose, cette fois, sur la cheville de sa proie et l’enserre de sa paume devenue brûlante. Placée comme elle est, Dona ne peut rien voir de ce qui se déroule dans la noirceur du parc mais visiblement, ça se passe mieux que dans la ruelle. Car lorsque la femme se relève, sa victime est toujours en vie. Puis, elle s’éloigne en souriant faiblement.

 

- Et alors ? Tout s’est passé comme tu le voulais, Ama ?

- Oui !

 

Lui répond-elle avec un sourire triomphant avant de poursuivre.

 

- C’est très simple. Il me nourrira indirectement grâce au bracelet un peu spécial que je lui ai remis. Tu vois, il me reste encore suffisamment de pouvoir pour établir ce genre d’échange. Et il y en aura d’autres. Bien d’autres...

 

Dona la regarde dubitative, elle se demande si elle a bien compris ce dont veut parler sa compagne. Et surtout depuis quand les leurs sont capables de créer ce genre de liens avec ces primates brutaux.

 

- Ça ne va pas ?

 

Lui demande Ama inquiète de la voir soudain si lointaine.

 

- Hein ?

- Tu sembles bien loin ?

- Je réfléchissais, c’est bien la première fois que l’un des nôtres entre en contact avec eux pour autre chose que se battre. Et il a vraiment accepté ?

- Ben oui ! Je ne lui demande rien en échange de quelques illusions. Juste de quoi me nourrir.

- Très impressionnant, Ama. Tu as réussi à changer de support et moi qui te croyais uniquement tournée vers les sorts liés au sol et aux plantes.

- C’est toujours le cas. Mais l’arbre dans lequel je m’étais fondue, en quittant le sol, a été détruit pour toujours. Par chance, il n’était pas seul.

- Là, je ne suis plus.

- Tu comprendras.

- Soit ! Mais pour en revenir à cet humain ! Comment espères-tu qu’il te nourrisse dans un tel état ? Regarde-le, s’il n’arrête pas de s’empoisonner avec ces substances, il ne vivra plus dans quelques mois !

- Fais-moi confiance. En plus, cela ne pourra pas lui faire de mal. J’ai fait un marché avec lui. Je lui offrirai ce qu’il désire mais, en contrepartie, il devra prendre soin de son corps et recommencer à se nourrir correctement.

- Attend. Tu comptes puiser directement de quoi te nourrir dans…

- Oui ! Nous sommes liés maintenant. S’il ne respecte pas notre pacte, mon cadeau dépérira et notre lien sera rompu.

 

Dona a beaucoup de mal à croire qu’une telle chose puisse être possible. Et Ama ne semble pas vraiment disposer à lui livrer tous ses secrets.

 

- Mais depuis quand faisons-nous ce genre de chose ? Enfin, ceux associés au sol et aux arbres… Car c’est ce que tu es, non ? Ou bien, j’ai quelques problèmes de mémoire ?

- Non ! Tu as parfaitement raison. En fait, ce sont les filaments qui m’ont inspirée. Il y avait tant autant de nous.

- Je vois, au fond, tu n’as rien perdu de tes facultés. Elles se sont simplement modifiées lors de ta sortie. Tu es devenue aussi proche des champignons que tu l’étais des plantes.

- Si tu veux mais je garde malgré tout quelques dons de ma nature première.

 

Lui répond-elle avec une pointe de tristesse dans la voix.

 

- C’était donc ça, tu as pu fuir l’arbre mort grâce aux champignons qui poussaient autour de tes racines.

-  Oui ! C’est aussi ainsi que j’ai acquis certaines de leurs facultés. Viens, ça ne sert plus à rien de rester ici.

 

Les deux “femmes” s’éloignent laissant le jeune homme seul. Il ne bouge pas. Même plus un geste pour Ama alors qu’elle lui adresse un léger signe d’adieu.

 

La pluie recommence à retomber et elles se mettent à courir droit devant elles ! Leurs voix sont très douces, presque innocentes. Ce qui ne manque pas d’attirer l’attention. Surtout dans le genre de lieu où elles finissent par atterrir. Le coin le plus mal famé de la ville. Il faut dire que deux jeunes femmes, d’apparences aussi fragiles, et s’amusant seules, en pleine nuit, ça a de quoi surprendre. D’ailleurs certaines personnes, visiblement très mal intentionnées, s’approchent d’elles à pas de loups. Percevant leur présence, Ama s’exclame.

 

- Encore ?

- Cette fois, c’est mon tour.

 

Glisse dans un souffle Dona.

 

- D’accord mais je reste à côté de toi.

- Et pourquoi ça ?

- Si l’un d’eux t’attaque, je peux toujours m’en occuper.

- Comme des autres ?

- Tu n’as donc rien vu de ce qu’il s’est passé ? Pourtant, tu étais toute proche…

- Non ! Pas eu le temps avec cette stupide femelle qui s’est mise à hurler comme une folle ! Faut dire aussi que tu n’es pas très discrète.

- Ben ! Pour faire court, je leur ai simplement explosé les artères sans le vouloir. Ils étaient vraiment trop fragiles malgré leur tête de brutes.

- Les artères. Tu leur as déchiré les artères ? Pas étonnant qu’il y a avait du sang partout. Attend ! Attend un peu ! Si je comprends bien, tu incères tes bracelets directement dans la chair ?

 

Elles sont à présent complètement encerclées. Ce qui ne semble même pas les inquiéter.

 

- Ben oui ! En fait, c’est une variante de l’un de mes anciens pouvoirs. Et ce sont tous ces filaments qui m’ont inspirées…

 

Comme Dona la regarde toujours avec des yeux ronds alors que le cercle se referme sur elles, Ama continue.

 

- Oui ! Les filaments autour des racines. A force d’être en communion avec l’arbre et le sol, j’ai fini par comprendre ce qu’il se passait entre les arbres et les filaments des champignons.

 

Elles finissent quand même par s’interrompre l’un des hommes leur faisant face.

 

- Bien, occupons nous déjà de ceux-là…

 

A ces mots, les pupilles de Dona semblent encore s’agrandir, plongeant directement dans les yeux de son agresseur alors que la pluie gagne en intensité. Ama de son côté sent ses forces revenir. L’eau les renforce, encore et encore.

 

**********************

 

L’aube pointe, le sang a de nouveau coulé en abondance mais, cette fois, il n’y a pas de nouvelle victime, enfin pas de nouveau décès. Seul sur des trottoirs encore luisants d’humidité, avance Plantago. Il a couru toute la nuit, espérant retrouver les responsables de ces carnages. Des êtres de sa génération mais maintenant qu’il les a repérées, il hésite.

 

- Dis-moi, Ama ? Tu l’as senti ?

- Oui ! Il est là, tout proche, notre petit plantain.

 

Elles viennent de le repérer à leur tout. Plantago recule lentement mais face à deux “femmes” comme elles, il n’a pratiquement aucune chance. D’ailleurs, la brune lui barre déjà le chemin.

 

- Cela fait combien de siècles, Plantago, combien depuis qu’ensemble, nous avions rejoint la Serre.

- Dona, la belladone.

- Si tu veux.

 

Ses yeux plongent droit dans les siens. Il détourne le regard avant de reculer, méfiant. Il n’ignore pas à quel point elle peut être redoutable avec ce genre d’armes. Par chance, les deux complices se sont séparées. Mais ce n’est qu’un répit sachant qu’Ama peut surgir d’une seconde à l’autre. Inquiet, il guette l’arrivée de la blonde, délaissant la brune qui l’attrape aussitôt.

 

- Que ?

- Dis-moi ? Tu traînes encore près de l’un des gardiens n’est-ce pas ?

- Oui ! Mais.

- Laisse-le.

 

Une forme plus grande se glisse soudain entre eux. Une autre “femme” plus robuste que la délicate Dona. Plantago, après une brève hésitation, lève des yeux surpris puis soulagés vers la nouvelle venue étroitement enveloppée de vert sombre.

 

- Elba ? Tu as enfin réussi à…

- Oui ! Depuis que l’if a repris ses forces, il en est de même pour moi.

- Quoi ?

- Va-t-en, Dona.

- Que ?

 

Les écorces se font soudain plus dures autour du corps déjà puissant d’Elba. Dona a beau disposé de charmes redoutables, face à Elba, elle risque fort de laisser quelques plumes dans la bagarre. Aussi, elle préfère filer surtout que d’autres mouvements se font entendre.

 

- Viens, Plantago. Inutile de rester ici plus longtemps.

- Mais ?

- Ama n’est pas loin, elle risque de nous tomber dessus elle aussi.

- D’accord mais où allons-nous ?

- Voir celle qui nous a percuté.

 
A suivre...

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9 décembre 2008 2 09 /12 /décembre /2008 15:13

Bonjour, avec plusieurs mois de retard et avant la suite du carnet de Phébus, voici la suite de la Serre de Nulle Part. Un épisode se déroulant lors du sommeil de Maureen...

A bientôt


La Serre de Nulle Part (Retrouvailles et révélations)

 

La nuit se poursuit alors que Dona s’éloigne de la rue où a disparu Ama. Puis, sans raison apparente, la jeune “femme” s’immobilise. Elle reste ainsi, debout, statique, un long moment avant d’enfin se raviser et retourner sur ses pas.

 

La pluie tombe toujours. Froide et fine, elle dégouline en larmes transparentes le long du son visage à peine coloré. Mais malgré tous ses efforts, la force glaçante ne parvient même pas à la ralentir. Et elle rejoint la ruelle toute proche. Passé le tournant, elle hésite, se demandant si elle allait ou non rejoindre sa vieille amie sur-le-champ. Puis, avisant une porte dérobée, elle prend enfin sa décision et court s’y abriter, tendant l’oreille vers le groupe d’hommes.

 

Ses cheveux sombres, libres et lisses luisent d’humidité comme d’autant de perles brillant sur une cape de soie noire. Ses longs doigts glissent avec lenteur sur le haut de son visage, lui dégageant le front des quelques mèches rebelles que la pluie y a collées. La moiteur ambiante ne la gêne aucunement. Pas plus que l’ombre froide. Elle aime trop la pluie pour cela, presque autant que le soleil. Elle respire avec calme, à peine perturbée par les rugissements d’une précipitation en train de tourner tranquillement à l’orage entrecoupés de voix graves et avinées.

 

En parlant de l’averse orageuse, elle cesse de tonner aussi vite qu’elle avait commencé, lui permettant d’enfin guetter à loisir ce qui se déroule à quelques pas d’elle. Elle détaille un à un les hommes d’un œil inquisiteur. A première vue, ils n’ont pas vraiment changé, laisse-t-elle s’envoler dans un souffle. Quelques images repassent dans sa tête, celles des hommes de son passé. Ceux qu’elle avait côtoyés avant d’aller chercher refuge dans la nature en compagnie de ses semblables allant jusqu’à se fondre dans la terre elle-même.

 

Qui aurait pu croire que plusieurs siècles s’écouleraient avant que la Serre ne s’ouvre à nouveau et qu’elle se retrouve livrée à elle-même au milieu de Nulle Part.

 

Elle soupire. Ses yeux sombres se portent un instant sur sa tenue. Elle se demande comment elle a pu se retrouver habillée de la sorte. La seule chose dont elle soit sûre, c’est que d’autres “légendaires” sont ressortis avant elle. Deux si elle a bien compté. Puis ce fut son tour à elle rapidement suivi de la sortie en flammes d’Ama. Comment aurait-elle pu ne pas l’entendre, à moins d’être devenue complètement sourde.

 

Le choc des haches sur le tronc et les cris de la jeune femelle avant qu’elle ne s’échappe lui glacent encore le sang. Pourquoi sommes-nous devenues si vulnérables ? Sans aucune défense une fois sorties de la Serre ? Et même si son visage reste impassible, ses poings se crispent. A tel point que ses ongles ombrés finissent par meurtrir sa chair tendre. Mais elle n’en a cure, ça guérira comme le reste.

 

D’autres éclats lui arrivent alors que le vent souffle doucement, jouant avec sa tenue étrange. Une longue robe moulante, noire, fendue jusqu’à mi-cuisse. Ses pieds sont nus mais qui pourrait s’en apercevoir avec l’écorce dont elle les enveloppe.

 

Réalisant vite qu’Ama n’a nul besoin de son aide et ne désire certainement pas être dérangée, elle se glisse dans la ruelle voisine. Une venelle encore plus sordide que celle qu’elle vient de quitter. Tout y est encombré de cartons et autres poubelles débordantes d’eau. Quelques-unes étant visitées par des chats qui ne fuient même pas en la voyant approcher. Certains viennent même se frotter contre elle. Et elle s’agenouille un instant dans la boue pour caresser les félins qui la transpercent de leurs grands yeux de braise. Leurs fourrures lui semblent si douces quoique mouillées. Quelques instants plus tard, elle se redresse avec souplesse puis s’éloigne un peu à regret des gracieux animaux. Eux au moins trouvent un écho dans sa mémoire, contrairement à tout ce qui l’entoure.

 

Cette triste cité, encore fraîche de la récente pluie lui fait l’effet d’un autre monde. Un univers si différent du sien. Ce que la Serre lui manque. Pourquoi a-t-il fallu que cette stupide femelle vienne les percuter. Et l’autre ? Le gardien. Où se terre-t-il, celui-là ? Enfin, il reste au moins un point positif à ce bien peu plaisant tableau, cette femelle est toujours là. Elle se cache, c’est tout, mais elle a réussi là où elle, Dona, avait échoué. La Serre est brisée ou plutôt la porte et bientôt nous pourrons tous aller et venir aussi souvent que nous le voulons.

 

Un cri la tire de ses réflexions. Vite suivi d’autres entrecoupés de bruits de lutte mais elle ne bouge pas. C’est bref, très bref. Puis plus rien, un silence presque irréel s’abat sur la rue.

 

Quelques minutes s’écoulent encore avant que Dona ne se décide à bouger. Et elle n’est pas la seule puisqu’une fine silhouette surgit devant elle. La brune espionne se fige en en reconnaissant la propriétaire. Elle se contente d’abord de l’observer alors que l’autre avance d’un pas tranquille, presque nonchalant vers elle. Pas un mot ne leur échappe lorsque la nouvelle arrivante s’immobilise sous la sinistre lueur d’un néon mourant. Son éclat vacillant ajouté au sang qui l’a généreusement éclaboussée lui donne un aspect inquiétant voire cauchemardesque alors qu’elle est presque aussi belle que Dona. Tout en étant très différente. Dona est sombre et séductrice alors qu’Ama est colorée et chaleureuse. Les deux “femmes” se dévisagent encore un moment sans un mot, se détaillant l’une l’autre. Ama est plus grande, plus charnue que sa semblable. Ses vêtements semblent aussi plus sobres dans leur coupe. Un pantalon et une simple blouse, rien de commun avec la longue robe mouvante de Dona, dont les couleurs chaudes sont rehaussées de nombreux reflets ambrés. Une sorte de soleil couchant assombri par on ne sait quel peintre. S’il n’y avait les traces de sang, elle semblerait presque rassurante comparée à la ténébreuse beauté qui se tient à ses côtés.

 

Soudain, des cris de panique viennent interrompre leur examen et elles s’enfuient aussi vite que leurs jambes le leur permettent.

 

Elles sont déjà loin lorsque d’autres voix se joignent aux premiers appels au secours.

 

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  • : L'ombre de la Lune présente des récits et courtes nouvelles fantastiques à toutes époques. La mythologie grecque côtoie les histoires de vampires, fées,elfes et animaux fabuleux ou mythiques telle les dragons, Pégase ou encore Bayard. Quelques fiches mythologiques s'ajouteront aussi au fil du temps et des nouvelles
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