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15 septembre 2015 2 15 /09 /septembre /2015 12:43

Quelque part en un lieu et une époque inconnus…

 


 

Cela faisait des heures qu’elle se tenait face aux tombes. Des heures qu’elle était restée de marbre sous les flots dont la pluie n’avait eu de cesse de la gratifier avant de soudain cesser. Un instant de répit dont avaient profité ses hommes pour venir la rejoindre sans qu’elle ne semble réagir.

 

A présent, quelques timides rayons de soleil perçaient entre les frondaisons, caressant son corps encore trempé de pluie. A peine de quoi la réchauffer tandis que, sans nul doute pour la dernière fois, elle frissonna. En elle, le changement se poursuivait, inexorable, tel le temps qui s'écoule. Son propre sang lui semblait devenir si froid, à l'image de l'eau qui avait ruisselé sur sa peau. Un goût de sel et de sang s’attardait sur ses lèvres alors qu’elle ne pouvait toujours pas détacher son regard des pierres levées telles des rappels du cauchemar éveillé dans lequel elle avait sombré.


Et dans le même temps, elle se sentait revivre. Depuis que la pluie l'avait comme purifiée des vicissitudes du monde humain. Un instant, quelques nuages passèrent encore devant le brillant Hélios sans qu'elle ne réagisse. Mieux encore, elle se sentait proche d'eux. L'appel se faisait plus pressant mais elle tenait encore bon, ressassant encore et encore ses plus sombres pensées.

 

Encore un peu de temps. Je vous en prie, offrez-moi, juste un peu de temps. Que j'enterre ce que je dois enterrer.


Enterrer et renaître…


Puis, le soleil revint et Erin sourit. C'était si rare à présent. Puisque, jamais, jamais plus depuis ce terrible jour de fin août, la brune jeune femme n'avait donné le moindre signe d'émotion. C’était un peu comme si tous ses sentiments, toutes ses émotions s’étaient, à l’image de ce sang qui n’avait que trop coulé, dilués dans l'eau.


Un bruit, un murmure et l’une des silhouettes remua dans son dos, faisant gronder le loup qui se tenait à quelques pas, couché entre deux stèles, aussi immobile qu’Erin l’avait été et obstinément le demeurait. Désormais, nul ne pourrait se vanter de pouvoir surprendre celle qui se plaisait tant à se faire nommer Scylla. 

 

Personne ne pourra jamais plus me surprendre ou me faire trembler par surprise. Ce temps est maintenant révolu. Plus que ne le pensent ces pleutres, je n’ai plus rien à craindre de la nuit, des ombres de la forêt ou de tout ce qu’il peut, si près de nous, se terrer…

 

Jamais plus, simple mortel ne pourra se soustraire à notre vigilance.

 

Et avançant avec une lenteur toute calculée sa main gantée de cuir vers le prédateur, la chasseresse, à peine âgée d’une trentaine d’années, éleva la voix. Autant pour le loup que pour l’homme qui l’avait fait gronder.


- Paix, nulle crainte à avoir, mon ami. Un loup n'a rien à redouter d'un mouton. Oui, cet homme, ce pleutre ne mérite même pas le terme de Bélier.


Des paroles atones suivies d’une fugitive manifestation de lumière, si pâle et diaphane qu’elle tenait plus de l’illusion. Un mirage qui s’effaça en même temps que toute tension. Erin venait de prendre sa décision et d’un geste calma à nouveau le loup demeurant obstinément sur le qui-vive et il n'était pas le seul, loin de là. D’autres ombres, d’autres présences encerclaient la chasseresse rompue au combat. Invisibles mais bien présentes, faisant sentir le poids de leurs existences et de leurs attentions sur les mercenaires trop concentrés sur la vision de cette femme vêtue comme un homme et dont la seule trace de féminité affichée était cette longue et soyeuse chevelure que l’ondée avait autant collée à sa peau qu’à ses habits.

 

Qu’était-elle donc ? Une femme ? Une fée ? Voire pire ? Tous, ou presque, semblaient se poser la question et ce n’était guère son attitude présente qui ferait baisser ces interrogations. Elle qui tout en parlant ne remuait qu’à peine les lèvres, affichant le plus souvent son masque impassible. Elle paraissait si détachée de tout qu'elle semblait à peine vivante.

 

- Est-elle seulement une femme ? Avait même fini par demander l’un des hommes avant qu’un autre n’enchérisse sur le même ton.

- Non, c'est une de ces Nymphes. Ou encore une Fée des Eaux. Regarde-la dans les yeux et tu t'y noieras.


Ainsi, ils chuchotaient. Inquiets mais pas encore agressifs, ils ne faisaient encore que produire un ensemble de sons désagréables à ses oreilles si fines. Le loup et la chauve-souris vampire les écoutaient toujours en silence alors que le serpent sinuait lentement tout contre elle. 


Ces hommes qui la regardaient n’étaient rien d’autres que des soudards, les pires des mercenaires empestant la poudre comme à chaque fois qu'ils accomplissaient leurs sinistres besognes. Sobres tant que le travail ne serait pas fini. Des tueurs prêts à se louer au diable lui-même. Enfin, si l'on se fiait à leurs propres dires puisque face à elle, Erin si froide, Erin sans entrailles, ils tremblaient. Certains même se signaient alors que le ciel semblait à nouveau hésiter à se pencher sur son cas.


Cela aurait pu encore s'éterniser si Gregor, leur chef, n'avait enfin rompu le silence.

 

- Es-tu sûre de cela, petite ? Après, tu ne seras plus jamais la même. Peut-être même ne pourras-tu jamais revenir en ces lieux ?


Silencieuse, elle se tourna juste ce qu'il fallait pour le regarder du coin de l'œil. Des yeux bleus dans lesquels l'homme avait osé plonger son propre regard de braise. Cela avait plu à la jeune femme. Cela lui avait tant plu qu'elle l'avait de suite engagé pour ce qu'il lui restait à faire. Il fallait tenir tout être à l'écart de ce lieu et ils s'en étaient chargés, sans sourciller. Pas même lorsque la pluie s'était abattue sur eux. Pluie qui avait ruisselé sur elle comme en ce fameux jour.


Ce jour si lointain remontant à des années maintenant. L'Erin de l'époque n'avait rien à voir avec celle qui se tenait face aux tombes, enveloppée de ses seuls vêtements en attendant de revêtir un habit autrement plus éblouissant, un manteau d’écailles aux reflets de miel et d’argent. Un habit avec lequel elle pourrait enfin accomplir le dernier acte.



Mais pour le moment, elle ne demandait plus qu’une seule chose, un instant, juste un instant pour se recueillir et dire adieu à l'enfant qu'elle avait été de par le passé.

 

L’enfant que j’étais alors, l’enfant qui a été éblouie par votre éclat, Lady Anna...

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  • : Liry, à l'ombre de la Lune
  • : L'ombre de la Lune présente des récits et courtes nouvelles fantastiques à toutes époques. La mythologie grecque côtoie les histoires de vampires, fées,elfes et animaux fabuleux ou mythiques telle les dragons, Pégase ou encore Bayard. Quelques fiches mythologiques s'ajouteront aussi au fil du temps et des nouvelles
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